Et si on faisait du torchis? d'aaaaccord!
Le torchis... Tout un art! Une technique qui remonte à la nuit des temps, rencontrée dans de nombreuses cultures et civilisations... Elle s'appuie sur un principe très simple: Un liant qui puisse se poser humide et durcir en séchant: La Terre argileuse, et des fibres qui assurent la cohésion de l'ensemble, la résistance mécanique et l'isolation d'une certaine manière: Bien souvent, la Paille.
Les règles de l'art sont formelles car délicieusement empiriques. L'optimum pour la terre se trouve entre 8 et 15% d'argile. Si la terre n'est pas assez argileuse, faites comme nous, rajoutez un peu d'argile pur, sinon les murs risquent de se réduire en poussière à la moindre vibration. Elle ne doit pas non plus être trop sableuse. Mais l'humus de la forêt est à proscrire, il retient bien trop l'eau et est bien trop organique ! Les plantes risqueraient d'envahir et de détruire rapidement vos murs. Alors si vous voulez construire comme nous dans la forêt, eh bien il vous faudra creuser profond. Ca, nous on s'en rappelle!
On doit prendre soin de retirer au maximum les cailloux, graviers, racines, petites bêtes etc...
Pour la paille, on aura tout intérêt à opter pour une fibre résistante qui ne devient pas cassante avec l'humidité. L'orge ou le seigle sont alors vivement conseillés, mais peut-être plus difficiles à trouver dans les campagnes de France. Nous optons pour le blé, il vient de chez le voisin...
Les ingrédients étant rassemblés, il faut les mélanger. Certains artisans utilisent maintenant des malaxeurs mécaniques pour préparer le mélange. Nous, nous procédons à la « traditionnelle ». Une fosse de deux pieds de profondeur, six pieds de diamètre, est creusée dans le sol. C'est là qu'on jette notre mélange (18 seaux de terre faiblement argileuse, deux seaux d'argile pure qui a trempé dans l'eau 24h, un seau d'eau et quelques brassées de paille). La terre, l'argile et l'eau sont d'abord malaxées aux pieds, enfin... à la botte car ceux qui ont testé les pieds nus en plein hiver en sont bien vite revenus. Une fois le mélange homogène, la paille hachée y est jetée et incorporée à la pâte.
On veille à ce que la paille soit présente sous diverses longueurs: A l'aide d'un sécateur, on hache la paille en brins plus ou moins longs. Les fibres de 2 à 5cm se répartissent alors dans toutes les directions pour assurer la solidité du mur dans l'épaisseur alors que les fibres plus longues assurent l'accrochage aux roseaux, et la solidité dans le plan du mur.
Le torchis avant d'être posé ne doit être ni trop liquide ni trop sec, ce qui est souvent sujet à polémique avec ses co-constructeurs. On peut toujours y rajouter eau, terre ou paille bien sur. Certains laissent reposer le torchis prêt quelques heures avant la pose. Nous, on est trop pressés de finir notre cabane !
Là on fait encore du torchis, et on pelte, et on pioche, et on brouette, et on gâche avec les pieds, et on reste collés, et on boule, et on tasse et on lisse et on appelle des gens pour nous aider aussi.
Bon, le torchis est prêt à être posé, allons-y alors... On remarque que c'est bien d'être nombreux. Heureusement, nombreux ceux qui sont désireux de découvrir cette technique avec nous! Le torchis a une mise en oeuvre assez aisée, mais exigeante à la fois.
Le principe est simple: Combler les espaces vides entre les colombes, les poteaux et les poutres en superposant des rangées de boules de torchis, qu'on lisse ensuite avec le dos de la main. Là où cela devient exigent, c'est qu'il faut absolument qu'il y ait cohésion entre les rangées et cohésion entre le torchis et les éléments structurels. On pose alors toujours le torchis en l'enroulant autour de ce qui le touche: On enroule la boule de torchis autour du boudin inférieur, on l'enroule autour du maillage de canisses, on l'enroule autour des éléments de bois etc...
On remarque alors qu'il est plus pratique, quand le mur commence à s'élever un peu, de travailler à deux, avec un bonhomme de part et d'autre du mur. Chacun peut ainsi enrouler la boulette de son côté sans rester coincé entre les tiges de roseau.
Une fois la rangée de boules posée et bien enroulée, on lisse avec le dos de la main (d'après Simon, le contact est meilleur) en étirant la matière et en la mélangeant un peu avec celle de la couche inférieure pour façonner une belle surface. Pour nous, le mur doit faire 15 cm d'épaisseur, on estime que ça suffit pour notre cabane et que c'est déjà bien assez de terre à sortir et de poids à infliger à la structure!
Bien sûr, on ne monte pas tout le mur en une fois, c'est même déconseillé car son poids propre a tendance à le faire s'affaisser. On monte donc de 20 à 30 cm environ par jour, tout autour de la maisonnette. Si la couche inférieure est trop sèche quand on reprend le mur, quelques jours plus tard, on a tout intérêt à la remouiller et la casser un peu avec le bout des doigts pour assurer la cohésion avec la nouvelle rangée de boules.
Attention, le torchis est un peu douillet quand il vient d'être posé. Il supporte très mal aussi bien le gel (fissurations importantes) que les fortes chaleurs (séchage trop rapide, fissuration, retrait exagéré...). On a donc intérêt à travailler en demi-saison. Nous c'est le plein hiver, on redoute donc un peu les gelées, d'où la présence du poêle qui chauffe les murs en continu. Des petites lézardes se dessinent la nuit, signe d'une petite gelée superficielle, mais elles disparaissent le matin après lissage, rien de bien alarmant.
Quand on arrive en haut (juste sous le plafond) ou sous un obstacle horizontal (cadres de fenêtre...), on bourre le torchis au maximum et au besoin on vient en rajouter quelques jours plus tard, une fois que le mur s'est affaissé un peu. On comble ainsi les courants d'air, et on prend du recul, et on voit que c'est fini, que tout est bouché par ce beau matériau, et là on est content, mais c'est loin d'être fini !
Là on attend que ça sèche un peu et on y fait des trous.
Le torchis a un temps de séchage relativement long. Pour sécher à coeur, un mur comme ça de 15 cm d'épais aura besoin de plusieurs mois de douces températures. Le séchage s'accompagne d'un phénomène de retrait dont l'importance dépend de la qualité du torchis, de la qualité de la pose et du climat pendant le temps de séchage. Quelques fissures peuvent apparaître en surface mais ne doivent en aucun cas être traversantes, ce serait plutôt mauvais signe. Les jours qui apparaissent quand le retrait s'effectue peuvent être colmatés avec un peu de torchis ou seront bouchés avec l'enduit. On s'assure aussi que les pans de murs restent en place lorsqu'on exerce une pression dessus mais à priori rien ne bouge, il y a cohésion de l'ensemble grâce au contact du torchis avec d'autres surfaces, avec les canisses et les clous.
Avant que la surface du mur ne devienne complètement dure, on y fait des petits trous (1 à 2 cm de diamètre, 1 à 2 cm de profondeur) à l'aide d'une cheville en bois par exemple pour ensuite permettre l'accroche de l'enduit. On effectue cette opération à l'intérieur et à l'extérieur.